L’assassinat de Zoran Đinđić, le 12 mars 2003, ne fut pas seulement un attentat contre un homme, mais également contre la vision d’une Serbie moderne et européenne qu’il s’efforçait de réaliser. Ce crime symbolise la situation politique et sociale de l’époque, marquée par le crime organisé, la pauvreté et l’épuisement causé par les guerres passées. Toutefois, cette période était également caractérisée par une forme d’optimisme et par l’espoir d’un nouveau départ après la chute du régime de Slobodan Milošević, avec l’introduction d’idées progressistes et les efforts de Zoran Đinđić. Malheureusement, sa mort prématurée l’a empêché de mener à bien ces réformes.
Pour comprendre comment cet attentat a pu se produire, il faut d’abord examiner la situation politique globale au début des années 2000. Cette période était marquée par de fortes pressions de la communauté internationale, une situation économique désastreuse, la présence de groupes criminels, la corruption au sein des institutions étatiques, une autonomie excessive de l’Unité des opérations spéciales (JSO) de l’époque, ainsi que des désaccords au sein de la coalition au pouvoir.
Qui était Zoran Đinđić ?
Zoran Đinđić est né le 1er août 1952 à Bosanski Šamac (aujourd’hui en République serbe de Bosnie, BosnieHerzégovine). Plus tard, il s’installe à Belgrade, où il termine ses études secondaires au IXe lycée de Belgrade. Après avoir obtenu son diplôme, Đinđić entame des études de philosophie à l’Université de Belgrade. C’est à cette époque qu’il commence sa carrière politique informelle en s’engageant dans l’activisme étudiant, devenant dirigeant de l’Union des étudiants de la faculté de philosophie. Pendant cette période, il critique ouvertement le régime en place, prônant la démocratie et la liberté d’expression tout en dénonçant l’autoritarisme. En 1974, il participe à une réunion étudiante à Ljubljana et contribue à la rédaction de la “Résolution des unions étudiantes des facultés de philosophie de Belgrade, Ljubljana et Zagreb”. Cet acte lui vaut une arrestation et une condamnation à un an de prison, peine qu’il évite grâce à des relations familiales inuentes. Face aux conits avec le régime socialiste de l’époque, Đinđić part pour l’Allemagne, où il poursuit ses études à l’Université de Constance. Sous la direction du célèbre philosophe Jürgen Habermas, il soutient une thèse intitulée “Les problèmes de la fondation de la théorie critique de la société”.
En 1989, Đinđić revient en Yougoslavie, où il enseigne la philosophie à l’Université de Novi Sad et travaille comme chercheur principal au Centre de philosophie et de théorie sociale à Belgrade. En 1990, il cofonde le Parti démocratique (DS) avec des collègues partageant les mêmes idées, devenant d’abord président du comité exécutif, puis président du parti en 1994, succédant à Dragoljub Mićunović. Đinđić est élu député à l’Assemblée nationale de la République de Serbie, où il siège pendant trois mandats multipartites, ainsi qu’au Conseil des républiques de l’Assemblée fédérale de la RFY.
En novembre 1996, malgré ses réticences, le Parti démocratique participe aux élections locales dans le cadre de la coalition “Zajedno” (“Ensemble”), aux côtés du Mouvement de renouveau serbe de Vuk Drašković et de l’Alliance civique de Serbie de Vesna Pešić. Cette coalition remporte les élections à Belgrade, Niš et Novi Sad, mais Slobodan Milošević refuse de reconnaître les résultats, provoquant des manifestations de grande ampleur qui le forcent à céder. Đinđić devient alors président de l’Assemblée de la ville de Belgrade, mais il est démis de ses fonctions après seulement sept mois. Peu après, la coalition “Zajedno” se dissout en raison de divergences stratégiques.
À cette époque, Đinđić devient une gure de plus en plus menaçante pour le régime de Milošević. Craignant pour sa vie, il quitte temporairement le pays en 1999 après l’assassinat du journaliste Slavko Ćuruvija. Il revient plus tard la même année et, malgré les tentatives du régime pour l’écarter, il mène la coalition de l’Opposition démocratique de Serbie (DOS), composée de 18 partis, à la victoire lors des élections parlementaires de 2000.
Cette coalition, dont l’objectif principal est le renversement de Milošević, obtient 64,09 % des voix, tandis que Vojislav Koštunica remporte la présidence. Le refus de Milošević de reconnaître sa défaite déclenche les célèbres manifestations du 5 octobre, qui aboutissent à sa chute. Le 25 janvier 2001, Zoran Đinđić devient Premier ministre de Serbie, tandis que Vojislav Koštunica occupe le poste de président de la RFY.
Le 5 octobre 2000
Après les élections présidentielles de la République fédérale de Yougoslavie, tenues le 24 septembre 2000, le président sortant, Slobodan Jovanović, déclara que le principal candidat de l’opposition, Vojislav Koštunica (leader de l’Opposition démocratique de Serbie – DOS), n’avait obtenu que 49 % des voix, nécessitant ainsi un second tour. En réponse, la DOS appela les citoyens à se rassembler le 5 octobre devant l’Assemblée fédérale pour protester contre la “grande fraude électorale” orchestrée par la Commission électorale fédérale sur ordre de Slobodan Milošević, afrmant que Koštunica avait en réalité obtenu 50,24 % des voix.
À ce moment-là, la DOS était consciente de son soutien populaire, mais le principal obstacle résidait dans les institutions étatiques restées loyales à Milošević, notamment l’Unité des opérations spéciales (JSO), dirigée par Milorad Ulemek Legija, également connue sous le nom des “Bérets rouges”. Relevant de la Sécurité d’État, cette unité était utilisée par Milošević pour des “basses œuvres”, telles que l’assassinat d’opposants politiques, y compris l’enlèvement et le meurtre de l’ancien président Ivan Stambolić, une tentative d’attentat contre Vuk Drašković sur la magistrale d’Ibar, l’assassinat du journaliste critique Slavko Ćuruvija, l’enlèvement de l’homme d’affaires Miroslav Mišković, et bien d’autres crimes.
À ce moment-là, la DOS était consciente de son soutien populaire, mais le principal obstacle résidait dans les institutions étatiques restées loyales à Milošević, notamment l’Unité des opérations spéciales (JSO), dirigée par Milorad Ulemek Legija, également connue sous le nom des “Bérets rouges”. Relevant de la Sécurité d’État, cette unité était utilisée par Milošević pour des “basses œuvres”, telles que l’assassinat d’opposants politiques, y compris l’enlèvement et le meurtre de l’ancien président Ivan Stambolić, une tentative d’attentat contre Vuk Drašković sur la magistrale d’Ibar, l’assassinat du journaliste critique Slavko Ćuruvija, l’enlèvement de l’homme d’affaires Miroslav Mišković, et bien d’autres crimes.
La direction de la DOS, consciente de ce danger, craignait que la JSO ne reçoive l’ordre de tirer sur les manifestants. Pour éviter cela, Zoran Đinđić conclut un accord avec Legija, qui, voyant la n imminente de Milošević, accepta de ne pas ouvrir le feu sur les protestataires, marquant ainsi son adhésion tacite au nouveau pouvoir. Sous la pression de ces manifestations massives, Slobodan Milošević reconnut sa défaite le lendemain, lors d’une allocution télévisée. Le 7 octobre, Vojislav Koštunica prêta serment en tant que président, et peu de temps après, une nouvelle administration fut formée avec Zoran Đinđić à sa tête, prenant ses fonctions le 25 janvier 2001.
Le clan de Zemun
Le clan de Zemun est l’une des organisations criminelles les plus puissantes des Balkans, et même audelà. Leur apogée se situe entre 1999 et 2003, période durant laquelle ils ont mené de nombreuses activités criminelles : enlèvements, assassinats, vols de voitures et trac de drogue. Les fondateurs du clan, Dušan Spasojević Šiptar et Mile Luković Kum, ont initialement collaboré avec le clan de Surčin dirigé par Ljubiša Buha Čume. Cependant, ils ont rapidement pris leur indépendance et élargi leurs activités, passant de simples vols de voitures et du trac de petites quantités de drogue à des crimes bien plus graves.
Après la chute de Slobodan Milošević, le clan de Zemun a intensié sa collaboration avec Milorad Ulemek Legija et son unité des Bérets rouges (JSO), perpétrant ensemble divers crimes. Ce qui rendait cette organisation criminelle particulièrement puissante, c’était ses liens étroits et sa capacité à placer des personnes loyales dans toutes les institutions de l’État, en particulier au sein de la Sécurité d’État (plus tard rebaptisée BIA). Grâce à ces connexions, le clan pouvait échapper à la justice, accéder à des informations cruciales et empêcher leur découverte. Ce réseau d’inuence, qui liait le clan de Zemun aux institutions étatiques, rendait presque impossible l’éradication du crime organisé, devenu une composante intégrante de la politique de cette époque.
La politique de Zoran Đinđić
L’objectif principal de Zoran Đinđić en arrivant au pouvoir était de lancer une reconstruction complète du pays, profondément dévasté au cours de la décennie précédente. Les sanctions économiques et les bombardements avaient complètement ruiné l’économie serbe, tandis que les guerres avaient provoqué un afux massif de réfugiés en provenance de Croatie, de Bosnie- Herzégovine et du Kosovo.
Coopération avec l’Union européenne et la question du Kosovo et de la Metohija
L’une des caractéristiques principales de la politique de Zoran Đinđić était son orientation pro-européenne. Il considérait que l’adhésion à l’Union européenne était essentielle pour le progrès de la Serbie. Đinđić plaidait pour l’établissement de normes européennes dans tous les domaines de la société, tels que la justice, l’économie et la politique. Il estimait également que l’aide économique et la coopération avec l’Occident étaient cruciales pour reconstruire un pays dévasté, qui, à cause des politiques irresponsables des gouvernements précédents, peinait à fournir même l’électricité à sa population.
Pour cette raison, il entama des négociations pour l’intégration de la Serbie à l’UE. Cependant, cette initiative divisa l’opinion publique, une partie de la population restant réticente à toute coopération rapprochée avec les pays impliqués dans les bombardements de la RFY en 1999.
En plus des intégrations européennes, Đinđić lança en 2003 une campagne diplomatique pour résoudre la question du Kosovo et de la Metohija. Dans ce cadre, il écrivit au président des ÉtatsUnis, George W. Bush, au président russe, Vladimir Poutine, ainsi qu’au Conseil de sécurité des Nations unies. Le jour de son assassinat, il avait également prévu une rencontre avec la ministre des Affaires étrangères suédoise, Anna Lindh, une réunion à laquelle il n’assista jamais.En raison de sa mort prématurée, Đinđić n’a jamais eu l’opportunité de se consacrer pleinement à la résolution du statut du Kosovo et de la Metohija.
Extradition de Slobodan Milošević au Tribunal de La Haye et rébellion de l’Unité spéciale d’opérations (JSO)
Moins d’un an après avoir été destitué, Slobodan Milošević fut arrêté le 1er avril 2001 dans la villa Mir et transféré à la prison centrale, accusé d’abus de pouvoir et de corruption. Ce qui poussa Milošević à se rendre fut la promesse de Zoran Đinđić de respecter trois conditions : ne pas l’extrader à La Haye, ne pas toucher à sa famille et ne pas consquer ses biens. Cependant, Đinđić ne tint aucune de ces promesses.
À ce moment-là, un mandat d’arrêt contre Milošević avait été émis par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), mais l’extradition n’était pas encore exigée. Cela changea lorsque les États-Unis demandèrent à la Serbie de livrer Milošević, menaçant de couper les nancements du FMI, de la Banque mondiale et de l’Union européenne, indispensables pour une économie serbe en grande difculté. Sous cette pression internationale, Đinđić décida qu’il était nécessaire de transférer Milošević à La Haye.
Cette décision suscita une forte opposition, notamment de Vojislav Koštunica, qui dénonça publiquement l’extradition comme une violation de la souveraineté et de la constitution de la Serbie. Koštunica soutenait que Milošević devait être jugé par les institutions serbes et critiquait un tribunal perçu comme biaisé contre les Serbes. La société serbe, divisée, était également sceptique envers un tribunal international ayant majoritairement jugé des Serbes. Pour faire avancer l’extradition, Đinđić convoqua une réunion d’urgence du gouvernement. Alors que les avocats de Milošević déposèrent une plainte auprès de la Cour constitutionnelle, qui demanda un délai de deux semaines pour l’examiner, Đinđić ignora ces démarches et ordonna l’extradition. Le 28 juin 2001, jour de Vidovdan, Milošević fut transféré par hélicoptère à Tuzla, puis à La Haye, où il décéda en 2006 avant la n de son procès.
Comme prévu, cette décision provoqua des protestations et des troubles parmi la population, notamment chez les vétérans des guerres des années 1990. Koštunica continua de critiquer ouvertement cette décision comme étant anticonstitutionnelle. En réponse, Đinđić argumenta que le Tribunal de La Haye était une institution internationale des Nations unies et non un tribunal étranger, et que son action respectait la constitution de la RFY.
Malgré tout, cette décision resta l’une des plus controversées de Đinđić, divisant profondément l’opinion publique et réduisant sa popularité.
Rebellion de l’Unité spéciale d’opérations (JSO) en novembre 2001
En novembre 2001, la rébellion de l’Unité spéciale d’opérations (JSO), également connue sous le nom de “Bérets rouges”, marqua l’une des crises politiques et sécuritaires les plus graves de l’aprèsMilošević. Ofciellement, cette mutinerie était une réaction à l’extradition de plusieurs accusés au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), notamment les frères Predrag et Nenad Banović. Cependant, il est largement admis que la véritable motivation résidait dans la crainte des membres de la JSO d’être eux-mêmes extradés à La Haye pour leurs crimes.
Sous la direction de Milorad Ulemek “Legija”, les membres armés et uniformés de la JSO bloquèrent l’autoroute près de Vrbas ainsi que les abords du centre Sava à Belgrade. Cette démonstration de force fut une preuve inquiétante du pouvoir que cette unité paramilitaire, ofciellement subordonnée à l’État, exerçait sur le gouvernement.
La mutinerie reétait également les tensions politiques internes. Vojislav Koštunica, président de la République fédérale de Yougoslavie, soutint ouvertement la rébellion, afrmant qu’elle ne mettait pas en danger la sécurité nationale. Il fut rejoint par des partis d’opposition comme le Parti socialiste de Serbie (SPS) et le Parti radical serbe (SRS). Ces soutiens divisèrent davantage le gouvernement de Zoran Đinđić et illustrèrent les conits entre ses réformes pro-occidentales et une opposition enracinée dans le nationalisme et les structures héritées de l’ère Milošević.
Face à la menace que représentait la JSO et au fait que la police ne pouvait pas empêcher une éventuelle prise d’assaut du gouvernement, Đinđić fut contraint d’entamer des négociations. Le compromis imposé par la JSO fut humiliant pour son gouvernement : le ministre de l’Intérieur, Dušan Mihajlović, limogea Goran Petrović, chef du Service de sécurité d’État, et son adjoint Zoran Mijatović, deux hommes engagés dans la lutte contre le crime organisé.
Bien que la mutinerie ait pris n le 17 novembre 2001, elle révéla la profondeur des liens entre les structures criminelles et certaines institutions de l’État. Elle mit également en lumière les dés auxquels Đinđić était confronté pour instaurer un État de droit, renforcer les institutions démocratiques et démanteler les réseaux criminels protégés par des gures politiques inuentes.
Lutte contre le crime organisé
Malgré le changement de pouvoir, un grand nombre d’individus travaillant encore dans les institutions publiques étaient dèles à l’ancien président ou collaboraient avec des organisations criminelles. Đinđić était conscient que sans une réforme des institutions publiques et une lutte contre la corruption et le crime organisé, la Serbie ne pourrait pas progresser. Pour résoudre ce problème, il a lancé plusieurs initiatives, parmi lesquelles l’introduction de la loi contre le crime organisé, probablement la plus signicative. Cette loi comprenait la création d’une section spéciale au tribunal de première instance de Belgrade (aujourd’hui appelée section spéciale du tribunal supérieur), connue sous le nom de tribunal spécial, qui avait pour tâche de juger les membres des groupes criminels. De plus, la loi prévoyait des méthodes d’enquête spéciales, des procédures accélérées et la protection des témoins. La clause de protection des témoins (témoins coopérants) était particulièrement importante à ce moment-là, car Ljubiša Buha Čume, l’ex-leader du clan de Surčin, était sous la protection de l’État dans l’intention de témoigner. En effet, Buha avait décidé de se retirer du crime et de témoigner sur les activités de ses anciens complices du clan de Zemun pour aider l’enquête. C’est pour cette raison qu’il était la principale cible du clan de Zemun et devait être sous protection constante de l’État. L’application de la loi sur le crime organisé était donc particulièrement urgente, car les autorités craignaient que Buha ne soit tué avant d’obtenir le statut de témoin coopérant, ce qui aurait compromis sa possibilité de témoigner, un élément crucial pour l’enquête.
Une autre action lancée sous le mandat de Đinđić fut le renvoi de tous les membres liés à Milošević et aux groupes criminels, an d’éradiquer la corruption et de réduire les possibilités de sabotage du nouveau régime ou d’un coup d’État. Cela allait de pair avec l’établissement de nouveaux standards de professionnalisme, inspirés de l’UE, en ce qui concerne le travail de la police et de la justice. Đinđić était en « guerre ouverte » avec le clan de Zemun, et donc avec Legija et ses JSO. Il a clairement montré qu’il était prêt à affronter les dangers liés à la lutte contre des structures criminelles puissantes, et il mettait en avant cette nécessité publiquement, ce qui dérangeait encore plus les membres du clan et faisait de Zoran Đinđić leur cible.
Attentat contre le Premier ministre
Le président du gouvernement Zoran Đinđić a été tué le 12 mars 2003, vers 12h30, à l’entrée du bâtiment du gouvernement à Belgrade, après que le Premier ministre, se déplaçant avec des béquilles, soit sorti de son véhicule. La balle fatale qui l’a frappé au cœur a été tirée d’un fusil de sniper depuis une fenêtre d’un immeuble de la rue Admiral Geprata. Le Premier ministre a immédiatement été transporté au Centre d’Urgence, où sa mort a été prononcée une heure plus tard, à 13h30. En plus de la balle qui a tué le Premier ministre, une autre balle a touché l’estomac de Milan Veruović, le chef de sa sécurité.
L’assassin était Zvezdan Jovanović, un membre du JSO, qui a tiré sur les ordres de Milorad Ulemek Legija. Au moment de l’assassinat, des membres du clan de Zemun étaient présents sur place – Aleksandar Simović, Ninoslav Konstantinović, Sretko Kalinić, Milan Jurišić, Saša Pejaković, Dušan Spasojević, Dušan Krsmanović et Mile Luković. Le chauffeur était Vladimir Milisavljević, et Miloš Simović était responsable de la transmission des informations sur les déplacements du Premier ministre, qu’il recevait de Dušan Krsmanović, un membre de l’Agence de sécurité et d’information (BIA). À travers les témoignages postérieurs à l’attentat, il a été révélé que ce n’était pas la première tentative de meurtre contre le Premier ministre. Trois tentatives échouées avaient précédé cet assassinat, désormais connues du public – l’attentat près de Bubanj Potok, près de la Belgrade Arena et près de l’Assemblée fédérale. L’attentat contre le Premier ministre a été planié pendant des mois, et selon Sretko Kalinić, il a été conçu par Luka Bojović sur les ordres de Legija. Le fusil utilisé était un sniper de marque « Heckler & Koch », et il a été prouvé plus tard que l’arme appartenait au JSO et qu’elle avait été enterrée sur un chantier après l’attentat. Tous les participants à l’attentat se sont immédiatement cachés dans des appartements loués à l’avance, attendant que la situation se calme.
Cependant, à leur grande surprise, une décision a été prise d’introduire l’état d’urgence, et une opération policière, nommée « Sablja » (Sabre), a été lancée. Le principal motif de l’assassinat de Zoran Đinđić était sa décision ambitieuse et ferme d’éradiquer le crime organisé dans le pays et ses liens avec les institutions gouvernementales. Cela a manifestement contrarié les membres du clan de Zemun, et principalement Milorad Ulemek. Ils pensaient qu’en assassinant le Premier ministre, ils réussiraient à évincer ses collaborateurs et à mettre au pouvoir quelqu’un qui accepterait de collaborer avec eux, comme Slobodan Milošević, an de pouvoir continuer leurs activités criminelles sans entrave. De plus, un autre motif pour l’assassinat était le mécontentement des personnes qui avaient combattu pendant les années 90 et qui condamnaient fermement le Premier ministre pour avoir coopéré avec le Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie et pour avoir extradé leurs camarades de guerre. Selon les témoignages de Zvezdan Jovanović, c’était la raison principale pour laquelle il avait accepté de tirer sur Đinđić, étant donné qu’il était considéré comme un bon tireur dans l’unité.
Au moment de l’attentat, la responsabilité de la protection physique des personnalités de haute importance (y compris celle du Premier ministre) appartenait au Ministère de l’Intérieur, tandis que la tâche de l’Agence de sécurité et d’information (BIA) était de collecter des informations susceptibles d’être d’importance pour la sécurité. Conformément à cela, la BIA aurait dû être informée de l’attentat planié contre Zoran Đinđić et transmettre ces informations au Ministère de l’Intérieur. Ofciellement, la BIA n’avait aucune information à ce sujet (à l’exception de certains individus qui collaboraient avec les auteurs de l’attentat), et la raison de cette défaillance était attribuée aux nombreuses réformes et changements organisationnels initiés par Đinđić, qui avaient entraîné des difcultés de coordination entre les différents secteurs de sécurité et, par conséquent, une mauvaise circulation des informations cruciales. La BIA n’existait que depuis quelques mois au moment de l’attentat, ce qui a manifestement contribué à l’inefcacité de l’agence. Zoran Đinđić a été enterré avec les plus hauts honneurs d’État dans l’Avenue des Citoyens méritants au cimetière de Belgrade, le 15 mars 2003. L’ofce funéraire a été célébré à l’église SaintSava, d’où est partie la procession suivie par environ 500 000 personnes. Après sa mort, il a été estimé que la popularité de Đinđić avait augmenté de 30 % à environ 60 %, et malgré les nombreuses controverses et la période tumultueuse durant laquelle il a été Premier ministre, il est resté dans la mémoire collective pour sa détermination, son ambition et sa foi en une Serbie meilleure et moderne
Opération “Sablja” – Qui est responsable ?
Immédiatement après l’attentat contre le Premier ministre, l’état d’urgence a été proclamé dans le pays le même jour, marquant ainsi ofciellement le début de l’opération policière de recherche et d’arrestation des personnes suspectées d’avoir participé à l’attentat contre Đinđić. Cette opération a été nommée “Sablja” (Sabre). Dès la déclaration de la mort du Premier ministre, son rôle a été pris en charge par le vice-président du gouvernement, Nebojša Čović, qui, avec la présidente de l’Assemblée nationale de Serbie, Nataša Matić, a pris la décision de proclamer l’état d’urgence le 12 mars 2003. L’objectif de cet état d’urgence était de soutenir l’opération policière en accordant à la police et aux organes judiciaires des pouvoirs élargis pour la collecte de preuves, l’exécution de perquisitions et l’arrestation des suspects sans suivre les procédures habituelles qui pourraient ralentir le processus. Cette décision visait également à maintenir la stabilité et la sécurité de l’État, en empêchant d’éventuelles nouvelles attaques ou rébellions dans un pays déjà déstabilisé.
Il était également nécessaire de nommer un nouveau Premier ministre, et selon un accord au sein du Parti Démocratique, ce rôle a été attribué au vice-président du parti, Zoran Živković, le 18 mars. En plus de lui, de nombreuses autres personnes ont été nommées à de nouveaux postes, car un grand nombre d’individus au sein des institutions gouvernementales ont été suspectés de collaboration avec les auteurs de l’attentat. Parmi ceux-là, le commandant de la Gendarmerie, Nebojša Pavković, le directeur de la Police de Belgrade, Dobrivoje Kadić, l’assistant du ministre de l’Intérieur, Miroslav Mitić, et bien d’autres ont été démis de leurs fonctions. Outre les arrestations massives et les changements de personnel, l’une des conséquences de l’opération fut également la suppression de l’Unité des opérations spéciales. Dans le cadre des interpellations massives après l’attentat, chaque jour, des centaines de suspects ont été interrogés et arrêtés, et de grandes quantités d’armes illégales, de voitures volées et de drogues ont été découvertes. L’opération a également permis de découvrir et d’élucider de nombreux autres crimes des années précédentes liés au clan de Zemun, pour lesquels les membres ont également été jugés par la suite.
Dans le cadre de cette opération, qui a ofciellement duré jusqu’au 22 avril 2003, 11 665 personnes ont été interpellées, dont des dizaines ont été arrêtées et condamnées pour divers crimes. Le Tribunal spécial de Belgrade, après trois ans et demi, a condamné le 23 mai 2007, 12 membres du clan de Zemun à un total de 378 années de prison pour le meurtre du Premier ministre, parmi lesquels Milorad Ulemek et Zvezdan Jovanović ont reçu la peine maximale de 40 ans chacun. L’attentat contre le Premier ministre n’était pas le seul objet des procès; aux membres du clan de Zemun ont été prononcées trois sentences collectives – l’une pour le meurtre de Zoran Đinđić, l’autre pour 17 meurtres, 3 enlèvements et deux attentats terroristes, et la troisième pour trois enlèvements et une extorsion. Cinq membres du clan ont été condamnés dans le cadre des trois sentences.
Zoran Đinđić sur l’attentat raté contre lui:
(Politika, 21. février 2003. et Glas javnosti, 24. Février 2003.)
(Politika, 21. février 2003. et Glas javnosti, 24. Février 2003.)
“Si quelqu’un pense qu’il pourra arrêter l’application de la loi en m’éliminant, il se trompe lourdement, car je ne suis pas le système. Le système continuera de fonctionner et personne ne sera amnistié pour ses crimes en éliminant un ou deux fonctionnaires de l’État.”