Serbie, l’inattendue : immersion dans un pays qui vibre plus fort que ses frontières
Dans la grande loterie des destinations européennes, rares sont ceux qui tirent la Serbie au premier tour. Elle ne possède pas les plages mythiques de la Méditerranée, ni les musées mondialement célèbres des grandes capitales. Pourtant, elle est de ces lieux qui ne cherchent pas à plaire à tout le monde et c’est précisément ce qui la rend si irrésistiblement authentique. En Serbie, on ne vous déroule pas le tapis rouge, on vous tend une chaise, on vous sert un verre de rakija, et la soirée commence. La Serbie est un pays de contrastes assumés, un curieux mélange d’héritage ottoman, d’esprit slave, de rêverie balkanique et de rudesse post-soviétique. Un territoire où l’histoire gronde encore dans les murs, mais où la vie, aujourd’hui, se décline avec une énergie presque insolente. Il faut y aller pour comprendre ou plutôt pour sentir. Car la Serbie n’est pas un décor à admirer, c’est une atmosphère à habiter. Tout commence souvent à Belgrade, la capitale. S’il fallait lui attribuer un seul qualificatif, ce serait sans doute : indomptable. Belgrade ne s’embarrasse pas de paraître jolie au premier regard. Elle est brute, rugueuse parfois, mais étonnamment attachante. En son cœur, la forteresse de Kalemegdan veille depuis des siècles sur la confluence du Danube et de la Save, offrant un panorama aussi majestueux qu’improbable, entre passé militaire et rendez-vous d’amoureux. Autour, la ville pulse, entre bâtiments austères, ruelles bohèmes et bars aux allures de repaires d’artistes. La nuit tombée, Belgrade se métamorphose en capitale festive, sans doute l’une des plus effervescentes du continent. Ici, la vie nocturne n’est pas un divertissement : c’est une discipline. Les clubs flottants, appelés splavovi, alignés le long du Danube, proposent une variété musicale qui va de la techno underground à la pop balkanique, sans oublier le fameux turbo-folk, genre typiquement local qui mêle instruments traditionnels, rythmes électroniques et paroles à fleur de peau. Un mélange improbable ? Absolument. Mais diablement efficace. Pourtant, réduire la Serbie à Belgrade serait une injustice. Car une fois franchie la périphérie de la capitale, le pays déploie une tout autre facette — celle d’une nature généreuse, d’une culture rurale encore vivante, et d’un art de vivre qui semble avoir échappé à la frénésie du monde moderne. Les montagnes de l’ouest, notamment dans les parcs nationaux de Tara ou de Kopaonik, offrent des paysages saisissants : forêts profondes, rivières cristallines, sommets doux et vallées ponctuées de villages où le temps ne compte pas. Là-bas, on croise des troupeaux de moutons, des maisons aux toits de bois, des femmes en tabliers fleuris qui vous proposent une soupe fumante ou un verre d’alcool maison, sans forcément poser de questions. C’est aussi dans ces régions rurales que s’exprime pleinement l’âme gastronomique serbe. Oubliez les régimes végétaliens : ici, la table est sacrée, et elle est copieuse. Viandes grillées, poivrons farcis, feuilletés au fromage, légumes marinés, confitures maison… chaque plat est un morceau d’histoire, chaque recette une tradition transmise avec fierté. Le pain chaud sort tout droit du four familial, le lait vient de la vache d’à côté, et la rakija (une eau-de-vie à base de prune, de coing ou d’abricot) n’est jamais bien loin. On ne trinque pas pour faire bonne figure ; on trinque pour sceller l’instant, pour marquer la rencontre, pour honorer la vie. Mais ce qui donne véritablement à la Serbie sa personnalité singulière, ce sont ses habitants. Les Serbes sont à l’image de leur pays : fiers, francs, débordants de contradictions et d’humanité. Leur hospitalité n’est pas un service, c’est un principe fondamental. Le tutoiement est immédiat, les débats sont animés, l’ironie est une arme de conversation massive. Ils peuvent discuter politique avec une passion furieuse, défendre leur cuisine comme une cause nationale, et vous raconter l’histoire de leur village comme s’il s’agissait du centre du monde et pour eux, c’est souvent le cas. Les Serbes n’essaient pas de plaire, ils sont simplement eux-mêmes. Et c’est peut-être cela qui les rend si attachants : cette manière de conjuguer l’humour à la mélancolie, la tendresse à la rudesse, la fierté à la lucidité. Un peuple forgé par l’histoire, mais qui ne s’y enferme pas. Un peuple qui sait rire, chanter, débattre et surtout partager. En parcourant la Serbie, on comprend vite que ce pays est plus qu’une simple destination : c’est une rencontre. Une rencontre avec des lieux, bien sûr, mais aussi avec une manière d’être au monde. Ici, rien n’est vraiment prévu, tout peut arriver et c’est souvent ce qui fait le charme du voyage. On vient pour découvrir, on reste pour ressentir. Alors si vous cherchez un pays qui ne joue pas la carte du glamour facile, mais qui vous offre du vrai, du fort, du vivant… la Serbie vous attend. Sans fard, mais le cœur grand ouvert. Tania Nikolić, le 17 Juin 2025